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GUERILLA URBAINE à ALÈS
5 décembre 1992


par PINZ DESTRUCTOR



Cari amichi,
voici comme promis le récit de la fameuse Guerilla Urbaine qui eut lieu lors du match Alès-Bastia en D2, lors de la saison 92-93.

Au lendemain de la catastrophe du 5 Mai 92, le Sporting était considéré comme mort par une large part du peuple corse. Devant l'ampleur du drame, le traumatisme enduré et la douleur des familles, nombreux parmi les supporters ne croyaient plus à sa survie. C'est alors que dans ce concert, quelques bleus ont voulu continuer à y croire, et se sont battus pour que malgré tout, on continue. Se créa en ce mois de Juillet "l'Associu pè a salvezza di u Sporting" qui se reunit au bar "les Délices de l'Opera".
Alors que les familles ne voulaient plus entendre parler de football et exigeaient que l'on rase Furiani (comment ne pas les comprendre?), et que les habituels donneurs de leçons s'indignaient, une centaine d'acharnés se préoccupèrent du devenir sportif du club. Se fonda alors l'Associu TESTA MORA qui décida de relayer les jeunes et parfois inexperimentés PIRATES. Réunis autour de vieilles figures de la Tribune EST, les membres fondateurs (dont votre serviteur) commencèrent à se structurer un peu partout. Très vite le chiffre de 500 membres fut atteint, et 2 sections se montèrent sur le continent, à NICE et à AIX (la section de LYON s'étant toujours montrée fantomatique). C'est l'histoire du premier déplacement de l'Associu, à ALES (entre Nimes et Montpellier) que je vais vous compter aujourd'hui.
Contre toute attente le Sporting, qui recevait à Aiacciu, effectua un excellent début de saison, sous la houlette des fidèles René EXBRAYAT, Pierrot BIANCONI, Pierre MAROSELLI, Antoine DI FRAYA, Morlaye SOUMAH et Yves MANGIONE. Le 5 Décembre 92, les bleus se deplacaient à Ales, une bonne équipe, entrainée par... José PASQUALETTI, et où jouait Sabri LAMOUCHI.
De BASTIA partit un avion COMPLET, qui comprenait les TESTA MORA et les PIRATES. D' AIX et de NICE deux cars bondés s'ebranlèrent (70 et 50 personnes) tandis que de nombreux corses se rendirent au stade en voiture particulière.
Les premiers arrivés dans la petite ville cévenole furent les passagers de l'avion, qui commencèrent à s'attabler dans les troquets proches du stade. L'ambiance montait de plusieurs crans, lorsque les 2 cars des sections arrivèrent à leur tour: au plaisir de se retrouver entre nous s'ajoutait la volonté commune et tenace de sauver le Sporting, et le centre-ville ronronnant connut un déferlement bleu et blanc qui traumatisa les autochtones: chants repétés, bombes agricoles et fumigènes nous mirent en condition, et nous partimes bientot pour le petit stade Pierre PIBAROT, qui devait abriter la rencontre.
Des notre arrivée nous occupames un bon tiers de la tribune latérale et nous nous comptames à peu près 500: la pose des banderoles et nos hurlements furieux acheverent de traumatiser les supporters locaux, déjà inquiets de la réputation de Furiani, qui refuserent de passer devant nous. Les T.M firent donc le service d'ordre, et tout se passait pour le mieux. Bien malin aurait été celui qui aurait pu prédire la suite des événements !!!!

Le match commença, et se muscla aussitôt. Fidèles à l'esprit de la glorieuse Tribune EST nous donnames de la voix et le stade resonnait de nos clameurs, lorsque les locaux ouvrirent la marque. Déjà en pleine "bisquance", nous fumes sidérés de constater qu'une partie des
bourrins locaux, pour la plupart agés (avec des facce à la José Bové), et qui avaient pris confiance, essayait d'arracher du grillage la banderole de TESTA MORA NIZZA. C'est alors que tout se déclencha: comme des furieux, la vieille garde de T.M (accompagnée de quelques jeunes et de ...votre serviteur) chargea dans le tas, et un azzuffu très violent se produisit. Nous faisions notre affaire, sous les encouragements des frères de la Tribune et des PIRATES (un peu tendres et qui n'avaient pas bougé) lorsque une brigade de la Securité Civile, composée d'éléments chevronnés, commenca à nous matraquer frénétiquement ! L'affaire se corsait, et l'azzuffu initial tourna à l'émeute.
Les personnes présentes peuvent en témoigner, les bleus prirent le dessus, et les poulets durent rebrousser chemin. Tout le monde reprit sa place, mais desormais le match sentait la poudre, et chacun savait qu'il suffirait d'une petite étincelle pour que tout reparte.
La mi-temps fut atteinte sur le score de 1-O, et les esprits se calmaient, lorsque la marechaussée nous provoqua ouvertement de la voix et du geste, en exhibant des sacs entiers de grenades lacrymogènes, qu'ils menacèrent de nous lancer au premier mouvement suspect.
Le match reprit, et assez rapidement Y.MANGIONE égalisa pour le Sporting ! La tribune était en feu, et tout le monde se lacha dans une suite de "BASTIA, BASTIA" assourdissants. Quant à eux les flics, qui visiblement étaient de fervents supporters de l' O. ALES (tu parles!), nous intimerent l'ordre de nous tranquilles et de "fermer nos gueules", "qu'ici on était pas en Corse" (il faut se remémorer le contexte politique très tendu de l'époque). Brulants d'en découdre, mais conscient que beaucoup de jeunes avaient fait le déplacement, nous firent comme si de rien n'était, lorsque un événement soudain intervint qui embrasa la tribune.
Aux alentours de la 70ème minute en effet, Alès doubla la mise sur un but litigieux et un début de bagarre opposa dans la surface le bastiais FRANCK BURNIER et l 'alésien SAAR. Comme de coutume, les joueurs du Sporting se précipitèrent dans l'azzuffu, et l'incident se généralisa. N'en pouvant plus, deux des grognards de TESTA MORA, se mirent à charger de nouveau (et tous seuls) dans la meute de CRS qui se tenait à quelques dizaines de mètres de nous. Captivés par ce qui se passait sur le terrain, bien rare furent ceux qui les virent partir. Très vite les deux braves si firent proprement rouer de coups de matraque et de coups de pieds par les flics, et une trentaine de bleus, sans reflechir se porta à leur aide. Hurlant à plein poumons et tous groupés comme dans le film Braveheart, nous foncames dans le tas, et cette fois les incidents furent d'une RARE VIOLENCE. Une véritable bataille de rue, sans pitié et où tous les coups étaient permis, prit forme. Aucun d'entre nous ne put se vanter d'en sortir indemne, mais les flics se virent à un moment donnée en grand danger: c'est alors qu'ils lancèrent en tir tendu en pleine tribune une bonne dizaine de grenades lacrymogènes . Comme c'était prévisible, la panique s'empara des supporters du Sporting (où se trouvaient nombre de filles). L'atmosphère devint vite irrespirable, et ce fut le sauve qui peut. Certains se cassèrent la jambe en sautant de la tribune, d'autres, notamment les asthmatiques se trouvaient très mal, et quelques filles s'evanouirent. Nous apprimes plus tard que les grenades étaient périmées et très nocives pour la santé. Les plus épargnés des bleus furent ceux qui s'étaient battus, et qui purent rebrousser en bon ordre grâce à la main courante sous la tribune.

C'est alors que vraiment la GUERILLA URBAINE éclata. Les supporters du Sporting (500 donc) se retrouvèrent tous à l'entrée du stade, et donc à l'abri, mais nous constatames rapidement que certains malheureux susmentionnés n'avaient pu nous rattraper. Il fallut prendre la décision de les secourir, et nous assistames à une scene dantesque, voire irréelle: comme des fous certains d'entre nous coururent au milieu de la fumée des lacrymos, pendant que les CRS chargeaient avec des chiens !!! Le risque que les blessés et les inconscients soient piétinés nous étreint, et on assista à un chassé-croisé surnaturel. Mais ce n'était pas tout : sur le terrain les joueurs bastiais avaient assisté à la scène et se battaient comme des furieux avec les alesiens et les flics de la tribune d'en face (la +grande) qui accouraient dans notre direction pour soutenir leurs collègues !!! Dans la surface de réparation de Bastia on voyait courir les bergers allemands qui avaient été lachés !!!!
La masse bleue qui s'etait agglutinée devant les grilles se mit alors en branle: croyez-moi si vous voulez, c'était LA GUERRE. Empoignades avec les CRS qui avaient enfoncé nos lignes, une dizaine de poubelles en feu, des bleus qui sautaient comme des furieux sur des vehicules de la Police Nationale venus en renfort ; un petit groupe qui s'introduisit sous la tribune principale pour chercher quelque chose qui ressemblerait à une arme, et qui, ne trouvant rien, détruisit les infrastructures !!!!!!
IL fallut l'intervention, après de longues minutes de folie, du commandant de la Gendarmerie, du Sous-prefet et de feu le Président Jean François FILIPPI, pour que le calme revienne enfin. Comme certains d'entre nous étaient gravement blessés, les différents cars ne purent partir tout de suite et il fallut passer aux Urgences afin que les premiers soins leur soient prodigués. Et là, mes amis, j'assistai à une scène hallucinante: les urgences étaient déjà bourrées de flics sur des brancards !!! Certains avaient le nez cassé, saignaient, ou étaient inconscients, tandis que d'autres visiblement cherchaient la PENSION (et oui...). incroyable mais vrai, on refusa pendant une demi-heure de s'occuper de nos blessés. Accompagné de quelques frères, je protestai avec véhémence, lorsque un des pandores me reconnut comme un des protagonistes des azzuffi !! Je dus, sous la bienveillance des fratelli, être rapatrié à mon car, alors que les notres attendaient encore les soins. Ce n'est que vers Minuit que tout le monde repartit enfin, alors que l'avion pour la Corse dut bénéficier d'une autorisation spéciale de décoller.

Quelques jours plus tard nous aprimes qu'une plainte contre X avait été déposée par les CRS qui étaient pourtant à l'origine des incidents. Quelqu'un de la région nous envoya ensuite un exemplaire du quotidien local, daté du lendemain du match : sur 3 colonnes était imprimé le titre suivant (photos à l'appui) : "LES SUPPORTERS CORSES EXPORTENT LEUR HOOLIGANISME SUR LE CONTINENT". Autant vous dire que lors des déplacements des années qui suivirent (Cannes, Martigues, Nice) les forces securités présentes, prévenues, tentèrent de nous faire payer notre bravoure !!!!

5/12/1992, PÈ SEMPRE IN LI NOSTRI CORI !!! FORZA BASTIA !!!!!
PZD, NOSTALGIQUE




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