Avant
le départ à Troyes, les tronches sont circonspectes.
Autant le dire de suite, les seules questions que nous nous posons,
c'est en vrac : Baticle a t il de bonnes chances de faire un doublé
voire un triplé ? Régis a les moyens de marquer sur
coup-franc direct de 35 m ? Meniri devrait sciaquer le but de la victoire
sur une main enorme à la 92 eme ? Ramènerons nous la
défaite et une pneumonie de ce déplacement ?
C'est dans ce super climat que le départ se fait. Il ne se
passe RIEN . En fait, personne ne s'en rend compte mais on s'engage
dans la soirée du rien. La route ne ressemble à rien,
le paysage non plus, bref tout le monde s'en fout.
Le seul truc notable c'est que nous dépassons après
plus d'une heure de route une vieille fourgonnette horrible garée
sur un sentier forestier : c'est vraiment une image qu'on pourrait
voir au 20H dans une histoire de fait-divers avec trente cadavres
entassés à l'arrière du véhicule. Sinon,
vraiment rien.
Jusqu'au panneau. A partir de 17h, c'est la nuit. Mais la nuit des
films d'horreur des années 30 : une nebbia zeppa zeppa entoure
le monde extérieur personne ne sait où on est ni où
on va. Parfois des lueurs apparaissent furtivement, ce sont des aires
de repos routières où on devine une ambiance qui fait
passer une soirée au Bar des amis à Agna di Fiumorbu
pour un cocktail d'inauguration de la toute nouvelle boite rachetée
par Madonna à New York. Se présente alors un panneau
marqué "TROYES". Seulement, près d'une demi-heure
après, on a toujours pas trouvé Troyes.
Finalement, des grands projecteurs, une forme sombre et carrée
: LE STADE DE L'AUBE !!! alors là ça y va : "hè
moi j'aimerais bien avoir ça à Furiani ", "on
critique, on critique mais il est pas si mal ho". Tout ça,
c'était à 5OO mètres du stade. On arrive devant
l'entrée visiteurs et on patiente le temps d'avoir les billets.
Ce qui nous laisse aussi le temps d'établir les premiers contacts
visuels avec les locaux.
A premiere vue, RAS. De tout : jeunes, vieux, femmes, types, moustachus,
chauves, mémés, clebs...un peu comme chez nous sauf
que certains détails sont particulièrement inquiétants.
Sur le moment, on fait pas attention mais il faut se rendre à
l'évidence : un nombre considérable de Troyens qui passent
devant nous portent des écharpes aux couleurs de l'ESTAC sur
lesquelles on devine la funeste inscription "FAIR PLAY"
!!!! et pour cause ! tous les gens qui passent nous saluent, nous
souhaitent bonne chance et disent meme "bon appétit"
voire "bon ap'" à ceux d'entre nous qui se sciaquent
un sandwich. C'est la consternation.
Nous essayons de faire bonne figure et notre abattement ne se voit
pas trop car nous sommes engoncés dans des anoraks de 8 cm
d'épaisseur avec gants et echarpes vu qu'il fait environ 6
degrés avec un taux d'humidité au top. Enfin on se dirige
vers les grilles: la fouille des CRS est amusante avec sandwiches
ouverts, mars et snickers indispensables à la survie eventrés
et évidés. L'arrivée dans notre parcage est sans
intérêt.
Le stade, lui, est situé sur un terrain vague; dans la nuit,
impossible de voir les alentours. Tout l'emplacement d'une tribune
latérale n'est qu'un gigantesque bourbier. Bref, le stade avec
ses trois tribunes ne ressemble à rien de spécial. Il
commence peu à peu à se remplir et finira par contenir
un peu plus de 10 000 spectateurs, ce qui est pas mal vu les circonstances.
Nous, nous sommes une grosse soixantaine, frigorifiés, éparpillés
dans un emplacement trop grand, à droite derrière les
but
d'heurtebis (chì narpia) en première mi-temps. Trois
courageux Rebels sont là, avec les habituels baches et coeurs
bleus à brandir. Les supporters de Paris bachent eux aussi
mais sans plus. Quelques personnes ont la bonne idée d'avoir
des drapeaux .
Au dessus de nous, un niveau exclusivement peuplé de CRS. Le
gros de l'ambiance troyenne mérite d'être décrit
: ce qu'on pourrait appeler le "kop" troyen se situe dans
le tribune qui nous fait face, en
gros, l'autre "virage" mais les types sont à l'étage,
dans un coin ! ils occupent en fait ce qui présente toutes
les caractéristiques d'un parcage visiteur ! bizarre ?
Pour conclure sur ce point, sachez que le stade, outre les pubs habituelles,
est plein de panneaux bien lisibles portant les inscriptions "FAIR
PLAY", tandis que le "noyau" des supporters troyens
est
cauchemardesquement baptisé "FAIR PLAY 10" ....pourquoi
10 ? umbeh y en a qui disent que c'est le numéro de département
de l'Aube....
L'avant-match est meublé par un spectacle de pompom girls tandis
que le speaker lance des appels au fair play. Durant l'echauffement,
PAS UN SEUL membre du club ne vient nous saluer. Conclusion : une
sorte de footixland par une température horrible et une motivation
pourrie. Ca commence bien.
Sur le coup d'envoi, quelques courageus brandissent les coeurs bleus
distribués par les Rebels qui eux meme deploient une banderole.
Quelques drapeaux s'agitent. Le match en lui-meme vous l'avez sans
doute tous vu, alors ca va pas trop mal dans le traditionnel premier
quart dheure d' illusion, et puis, c'est Mendy lancé comme
un obus qui spazze je sais plus qui alors que le troyen est excentré
à mort ....la suite de la première mi-temps est insignifiante
si ce n'est la gueulante poussée par l'un d'entre nous (un
"Hè FERMEZ-LA" bien rural) à l'encontre de
quatre rangées de jeunes troyens de 7 à 10 ans ( a l'usu
I Guerrieri d'Ajaccio) qui, sur une blessure de jeunechamp, criaient
"aux chiott'Bastia" sur l'air de
"merci machin, merci machin merciiiii": ils se la ferment
donc aussitot mais de toute façon ils avaient été
rappelés à l'ordre par un stadier troyen qui les engueulaient,
prouvant que le FAIR PLAY régnait en maitre sur l'Estac.
La suite du match est du meme tonneau : on se fait frapper par les
joueurs troyens, jau plus dieuzien que jamais, jeunechamp qui ne sait
pas frapper quand il faut se fait rouer de coups ( cf. le derby),
le milieu inexistant, Penneteau qui cazzule la sortie devant baticle
et c'est le but, etc.... de notre côté, ca se limite
pour deux d'entre nous à des mughji furiosi contre nivet lorsque
il vient tirer des corners sous notre nez, nivet que nous aurons quand
meme la satisfaction de voir expulser mais avec ce débile de
Jeunechamp. Sinon c'est terrible : quand vous voyez heurtebis qui
sert les poings de rage et de joie après un bel arrêt
et meniri qui est en transe après le second but, et que vous
voyez ces ciavatte ambulantes du Sporting Club Bastiais se faire lancer
comme ça, c'est très dur...bon j'oublie peut-etre une
main troyenne dans la surface en première mi-temps mais chì
vulete fà ? à partir de la 75e
minute, le grand jeu cetait de dire "quessu hà da marcà",
dès qu'on voyait un remplacant troyen rentrer. Ce qui arrive
avec la future mega star mondiale Nyang. Le kop troyen avec son tambour
est relativement constant mais les chants font peur ( rafales de "aux
armes" par ex.).
Fin du match. Les Troyens sont aux anges et pas un seul, je dis bien
PAS UN SEUL bras d'honneur, ni doigt ni meme sourire narquois ne sera
adressé à notre encontre. Nous sommes abasourdis. Fair-play...
Mais dans notre dépit, nous exhibons des fusils à pompe
dans notre tribune tandis qu'un ovni de belle taille vient se placer
au dessus du stade de l'Aube, provoquant une coupure d'electricité
dans toute la ville, et commence à ponctionner un à
un les spectateurs grace à un rayon lumineux.
Bien sur, c'est faux, mais après un CR si emmerdant il fallait
bien broder pour finir.
Signé: un type en perdition dans l'Aube samedi 9 novembre au
soir. |